Soutenez

J’ai tenté de communiquer avec les morts pour l’Halloween/Samhain

Derrière l'autel, le voile à travers lequel les païens peuvent communiquer avec leurs ancêtres disparus. Photo: Clément Bolano/Métro

Saviez-vous qu’Halloween, ses lanternes en citrouille, ses déguisements et ses décors effrayants qu’on retrouve chaque année ont leur origine dans la célébration celtique païenne de Samhain? Étonnamment, il ne s’agit pas d’une fête où l’on craint les morts, mais où on les honore. En voyant sur les réseaux sociaux une invitation à cette fête, j’ai décidé – ma curiosité ayant été piquée – de participer à un rituel public de Samhain, et tenté de communiquer avec l’au-delà.

L’événement était organisé au centre communautaire Marcel-Giroux, à Verdun, par les Sabbats de la Ville montagneuse. Cette association fait vivre des traditions païennes vieilles de plusieurs siècles à Montréal.

Pour célébrer ce que certains appellent le «nouvel an des sorcières», nous étions 17, en comptant les deux maîtres de cérémonie, Hobbes et Morrigane. Nous nous sommes assis en cercle sur les chaises poussées contre les murs. Au centre, un autel sur lequel reposent quatre crânes… brrr! Occulte? Certainement. Satanisme, magie noire et sacrifices sont pourtant très, très loin de l’esprit de cet événement.

«Nous allons voyager sur les terres des morts. Vous pourrez appeler vos ancêtres, même quelqu’un que vous n’avez pas connu – n’importe qui que vous désirez contacter», lance Hobbes, un grimoire mystérieux entre les mains. 

Contrairement à l’image diabolisée de ces formes de culte, on se trouve clairement dans un safe space. «C’est un moment de calme. Il n’est pas rare de vivre un grand moment d’émotion. Si cela arrive à quelqu’un, ne les fixez pas, laissez-les vivre leur expérience», poursuit-il. Une boîte de mouchoirs était disponible pour ceux qui ne pouvaient pas contenir leurs larmes.

L’esprit du Saint-Laurent et du mont Royal

J’ai eu bien de la misère à me mettre dans l’ambiance: la salle voisine du centre communautaire accueillait un party d’Halloween pour adolescents. Il faut avouer qu’il peut être compliqué pour un novice comme moi de faire le plongeon dans le royaume des morts en entendant des fous rires de l’autre côté du mur, avec du Dua Lipa en fond sonore…

La fête de Samhain symbolise la fin des récoltes, quand la vie du végétal laisse place à l’hiver et ses journées sombres. C’est aussi le moment où le voile entre le monde des morts et des vivants se lève.

Hobbes et Morrigane débutent par l’appel des quatre éléments: le feu, le vent, l’eau et la terre, chacun associé à un point cardinal. Pour s’éloigner de la binarité que représentent dieux et déesses de la mythologie celte, les maîtres de cérémonie ont fait le choix d’appeler à la place l’esprit du fleuve (Saint-Laurent) et l’esprit de la montagne (mont Royal).

Plus que quelques minutes avant d’entamer notre marche dans le monde des morts, à qui il faut faire place. Hobbes fait le tour de la salle en jetant du sel pour la «nettoyer». Il poursuit en faisant vibrer un bol chantant de type tibétain, avant de proposer une méditation guidée.

Bougie à DEL en main, je m’apprête à m’aventurer «de l’autre côté». Plongés dans la pénombre, nous nous levons toutes et tous, et, au son des tambours, commençons notre foulée silencieuse vers cet autre monde.

«Vous êtes arrivés», murmure Hobbes. Mon excitation est à son paroxysme: vais-je voir quelque chose? La voix de mes ancêtres va-t-elle percer jusqu’à mon esprit? Aidé de Morrigane, Hobbes tend alors un très long drap en tissu blanc au milieu de la salle. Ce dernier représente le voile séparant notre monde de celui des morts.

Du silence et de l’émotion

C’est à ce moment, plongé dans le calme absolu, que je tente de percevoir l’appel de mes ancêtres. Je les imagine, me rappelle chacun des souvenirs vécus avec mes grands-parents, j’attends… J’observe aussi.

Parmi mes compagnons de voyage, certains se tiennent debout, la tête penchée vers leur bougie électrique et les yeux fermés, attendant la venue de leur proche disparu. Quand celle-ci se produit finalement, ils approchent le voile blanc. La plupart sont silencieux. D’autres sont en véritable transe: l’une sanglote, un autre murmure contre le voile. Certains ont carrément la main tendue: ont-ils senti celle d’un parent lointain la saisir?

À mon grand regret, je n’ai rien vécu d’ésotérique ce soir-là. Par contre, j’ai eu bien l’occasion de réfléchir sur notre rapport collectif à la mort. Si le deuil peut être une épreuve extrêmement difficile, rendre chaque année hommage à ses morts peut soulager la peine. Le rituel de Samhain est bien loin de l’esprit effrayant d’Halloween. Il s’agit surtout de prendre un moment pour remercier ceux qui nous ont accompagnés sur Terre. Un instant pour se rappeler les beaux souvenirs.

Les Celtes n’étaient d’ailleurs pas les seuls à procéder à une telle célébration à cette même période de l’année. Aujourd’hui encore, le 2 novembre, le Jour des morts est pour des millions de Mexicains un instant pour se souvenir de ses proches défunts et les honorer. Une célébration héritée de traditions ancestrales autochtones. On vous l’avait dit: on est loin d’une histoire d’horreur.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.