Le bloc des pays émergents du BRICS bientôt à 11 membres

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, prononce la déclaration du XVe sommet du BRICS à Johannesburg, en Afrique du Sud, le jeudi 24 août 2023.
Photo : Associated Press / Themba Hadebe
Prenez note que cet article publié en 2023 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réunis à Johannesburg, ont annoncé jeudi une expansion du bloc des pays émergents, qui cherche à étendre son influence et intégrera dès janvier six nouveaux membres.
L'Iran, l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont été invités à rejoindre le groupe, a annoncé le président sud-africain Cyril Ramaphosa, précisant que l'adhésion prendra effet à compter du 1er janvier 2024
.
Le président chinois Xi Jinping a salué un élargissement historique
. Poids lourd économique du bloc, Pékin était favorable à cette expansion, au centre du 15e sommet du BRICS qui s'est achevé jeudi.
Une quarantaine de pays avaient demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt. Un signe de l'influence grandissante des pays émergents, selon le club des cinq
qui produit un quart de la richesse et rassemble 42 % de la population du globe.
Immédiatement après l'annonce, Téhéran a salué sur X (ex-Twitter) un développement historique et un succès stratégique pour la politique étrangère
du pays.

Le président iranien Ebrahim Raisi s'adresse au 15e sommet du BRICS, à Johannesburg, en Afrique du Sud, le jeudi 24 août 2023.
Photo : Associated Press / KIM LUBROOK
Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a évoqué un moment fort
pour la nation africaine tandis que l'Égypte s'est dite impatiente [...] de faire entendre la voix des pays du Sud
.
Le président émirati Mohammed ben Zayed s'est félicité de l'adhésion de son pays qui respecte la vision des dirigeants du BRICS
.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a dit apprécier l'invitation
, mais attendre encore des précisions sur la nature de l'adhésion
.
Peu d'informations ont filtré sur les discussions autour du choix stratégique des nouveaux entrants. Les tractations ont été menées à huis clos lors d'une session plénière et de rencontres bilatérales.
De multiples réserves
L'Inde, autre locomotive économique du groupe qui se méfie des ambitions de son rival régional chinois, était sur la réserve. Et le groupe disparate de pays dotés d'économies à la croissance inégale a dû s'accorder sur le choix stratégique des nouveaux entrants. Pour sa part, le Brésil craignait que son influence ne soit diluée dans un groupe élargi.
Delhi a finalement apporté son soutien à l'ouverture. Son premier ministre Narendra Modi a déclaré jeudi que cette expansion donnera un nouvel élan à nos efforts communs
et renforcera la croyance de nombreux pays en un ordre mondial multipolaire
.
Les différents pays n'avaient pas la même idée de l'expansion au départ
, a expliqué Li Kexin de la délégation chinoise, devant la presse en marge du sommet.
Les discussions ont été assez intenses et ne se sont pas déroulées sans problèmes
, a déclaré le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse distincte. Sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour crime de guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a participé au sommet par visioconférence.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse à Moscou, en février 2022. (Photo d'archives)
Photo : Getty Images / SHAMIL ZHUMATOV / AFP
Revendications communes
Le choix a été fait en fonction du poids, [de] l'autorité
et de la position sur la scène internationale
des candidats, a ajouté M. Lavrov. Alliage hétéroclite, les membres du BRICS ont en commun leur revendication d'un équilibre mondial plus inclusif, en particulier au regard de l'influence des États-Unis et de l'Union européenne.
Les structures de gouvernance mondiale reflètent le monde d'hier
, a admis lors du sommet le chef des Nations unies, Antonio Guterres. Les institutions multilatérales doivent être réformées afin de refléter le pouvoir et les réalités économiques d'aujourd'hui
.

Les cinq politiciens réunis à Johannesburg pour le sommet des pays émergents du BRICS.
Photo : Associated Press / Gianluigi Guercia
Selon les observateurs, les membres du groupe marchent sur une bande étroite entre proximité avec Pékin et Moscou, et risque d'éloignement d'un partenaire commercial majeur comme les États-Unis.
Le bloc rassemblera bientôt le plus grand rival géopolitique des États-Unis [la Chine] et l'un de ses alliés stratégiques historiques [l'Arabie saoudite]
, ainsi que deux parias internationaux d'un point de vue occidental
, la Russie et l'Iran, a relevé le groupe de réflexion Oxford Economics Africa.
Le monde est en train de connaître une transformation
, a commenté le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, affirmant que le BRICS s'ouvrira encore à d'autres membres à l'avenir, évoquant notamment l'Angola et le Mozambique. Les pays du BRICS continueront à s'ouvrir à de nouveaux membres
, a-t-il avancé, et à être la force motrice d'un nouvel ordre international
.

Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva
Photo : Reuters / CESAR OLMEDO
Il est aussi possible que l'augmentation du nombre de membres rende le groupe moins cohérent d'un point de vue géopolitique
, ajoute Ziyanda Stuurman, du groupe d'experts Eurasia Group.
Les velléités d'expansion de la Chine ont vraisemblablement pesé dans la décision d'un élargissement rapide, estime l'experte. Et au vu de la nouvelle composition, Pékin pourrait prendre l'ascendant sur le BRICS, ajoute-t-elle.
Les dirigeants du bloc ont réaffirmé à Johannesburg leur position non alignée
, à un moment où les divisions ont été accentuées par le conflit ukrainien.
Washington a affirmé cette semaine ne pas voir dans les pays du BRICS de futurs rivaux géopolitiques
, assurant vouloir maintenir de solides relations
avec le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud.
Une adhésion contestée en Argentine
Les deux principaux candidats d'opposition à l'élection présidentielle en Argentine, l'ultralibéral Javier Milei et la droitière Patricia Bullrich, ont contesté jeudi l'entrée annoncée en 2024 de leur pays dans le bloc des pays émergents Brics. Ils ont pris la parole à l'occasion d'une journée de conférences du Conseil des Amériques, une organisation américaine d'entrepreneurs.
Je ne vais pas encourager des contrats avec les communistes parce qu'ils ne respectent pas les bases du libre-échange, la liberté et la démocratie, c'est de la géopolitique
, a lancé M. Milei en visant, sans la nommer, la Chine cheffe de file des Brics.
L'Argentine, sous notre gouvernement, ne sera pas dans les Brics
, a assuré de son côté Mme Bullrich, qui a affirmé que l'adhésion du pays au bloc serait nulle et non avenue si elle était élue le 10 décembre.
Le ministre argentin de l'Économie Sergio Massa, candidat du pouvoir arrivé troisième, a appelé à la responsabilité
de ses adversaires après ces déclarations.
Les deux plus gros acheteurs de produits argentins sont le Brésil et la Chine. Que signifie une sortie des Brics pour les travailleurs d'une chambre froide qui vendent des tonnes de viande à la Chine?
, a-t-il demandé lors d'une conférence de presse.
Il a aussi rappelé qu'un important accord d'échange de monnaie avec la Chine, qui permet notamment à l'Argentine de payer des échéances de dette en yuan, serait automatiquement
caduc en cas de sortie des Brics.