France Beaudoin : en direct du rêve

France Beaudoin amorce la quinzième saison d'« En direct de l'univers » ce samedi 16 septembre.

Une quinzième saison d’En direct de l’univers? France Beaudoin se pince encore pour le réaliser.


Déjà que ce n’est qu’à la sixième année qu’elle est parvenue à se dire : « Mon Dieu! on dure! » raconte-t-elle en riant, avec, en mémoire, cette phrase qu’on lui avait balancée au début, soit qu’elle ne dépasserait jamais les 250 000 téléspectateurs avec une émission de culture un samedi soir.

« Je suis tellement consciente que c’est rare et que c’est un privilège d’avoir cette relation-là avec le public, avec, en plus, un concept qui permet de traverser les années, de se renouveler (parce qu’il y a constamment de nouveaux artistes qui arrivent dans la sphère publique). C’est fabuleux! Surtout dans un monde où on swipe tous! »

« Mais l’univers musical de chaque personne est si différent, poursuit-elle. Et les invités sont de plus en plus précis et généreux quand ils remplissent le questionnaire. Une confiance s’est établie avec les années. »

Parmi ceux et celles qui seront au rendez-vous à partir de ce samedi soir figurent Bruno Pelletier, Ève Côté, Mona de Grenoble, Marie Carmen, Mariane St-Gelais et un spécial avec les comédiens de La petite vie, pour lequel Claude Meunier, Guylaine Tremblay, Marc Labrèche, Josée Deschênes, Marc Messier et Diane Lavallée ont confirmé leur présence — « je m’attends à un party! » commente l’animatrice.

<em>En direct de l'univers</em> dépasse désormais le million de téléspectateurs et a même atteint les 1,5 million en 2021 avec l'émission en hommage à Michel Louvain.

On promet également un des légendaires « enlèvements » qui font désormais partie de la marque de commerce de l’émission. La chanteuse française Zaz sera aussi dans la chaise principale au début d’octobre. Et c’est Kim Richardson qui lancera le bal ce samedi.

« Nous avons fait des équations entre les artistes venus le plus souvent et ceux les plus nommés… et c’est elle qui est ressortie. Elle a hurlé quand on lui a annoncé qu’on commençait la saison avec elle. On voulait quelqu’un avec qui ça faisait sens. La réaction du public, c’est : “Elle le mérite! Elle le mérite!” Elle a été choriste pour tellement de monde et c’est une personne si généreuse. »

Quant à la présence de Zaz, elle était espérée depuis longtemps. « Elle connaît déjà l’émission parce qu’elle a participé au plateau une ou deux fois. Elle s’est noblement pliée à tout le processus et elle sait vraiment ce qu’on cherche. »

Frissons sur iTunes

France Beaudoin a des frissons quand surviennent des histoires comme celles de Christophe Maé, inconnu au Québec avant de venir interpréter Il est où, le bonheur? pour Francis Reddy, ou de Dave Fenley, invité de Lise Dion. Le chanteur américain sera à nouveau en tournée de spectacles tout l’automne chez nous.

« Le plus satisfaisant pour l’équipe, c’est qu’à peu près tout le temps, les artistes qui apparaissent à l’émission se retrouvent premiers au palmarès iTunes. C’est le cas, par exemple, avec Alexandre Poulin. On ne le martèle pas (il y a une certaine humilité au sein de notre groupe), mais on pourrait l’écrire chaque semaine, même pour des chanteurs sortis de la sphère publique mais dont une pièce est au programme (certains doivent parfois se demander ce qui s’est passé durant le week-end). »

« Pour nous, ce n’est pas la popularité qui importe, mais le lien avec la personne dans la chaise. Un artiste totalement inconnu peut ainsi se retrouver au sommet avec une chanson tout aussi confidentielle. C’est parce qu’il y a un impact émotif : les gens écoutent les mots pour comprendre ce qui a touché l’invité. »

—  France Beaudoin

Le terreau oublié?

Certains l’ont peut-être oublié, mais en 2008-2009, France Beaudoin avait animé M pour musique à Radio-Canada. L’émission n’avait duré qu’un an. Pourrait-elle quand même avoir été le terreau sans lequel En direct de l’univers n’aurait pu voir le jour?

France Beaudoin en 2008, tout juste avant le début de <em>M pour musique</em>.

« Le concept de M pour musique, c’était de réunir tout ce qui sortait dans la semaine, dans tous les styles, et tout ce qui était d’actualité musicale. Ça n’a pas été un échec, mais ça ne marchait pas assez pour le diffuseur. Ma patronne Dominique Chaloult m’avait donc rencontrée pour m’informer de la fin et me dire qu’elle avait lancé des appels d’offres pour un quiz ou un jeu musical. »

France Beaudoin avait alors les grandes lignes d’En direct de l’univers griffonnées sur une feuille de cartable dans son tiroir.

« J’ai demandé à Dominique si je pouvais lui présenter en catastrophe. Je suis arrivée le lendemain avec ce concept de ce qui serait la liste de lecture de ma vie. Le titre de travail était Si j’avais à chanter ma vie, ce serait ça. Sa réponse a été : “Sais-tu quoi? J’y crois.“ »

Produire dans l’équilibre

Certains l’ont peut-être oublié : c’est En direct de l’univers qui a permis à France Beaudoin de se lancer dans la production, d’abord en partenariat avec La Presse Télé (depuis achetée par Attraction). Celle qui n’avait jamais rêvé de devenir animatrice lors de ses études en art et technologies des médias au Cégep de Jonquière chérissait toutefois l’idée de créer une émission de A à Z, financement inclus.

Pamplemousse Média produit le plus récent <em>talk-show</em> de Marc Labrèche, <em>Je viens vers toi</em>.

« J’étais entrée en journalisme et je n’ai pas fait mon cours en télé, mais ce qui m’intéressait le plus, c’était d’être derrière, de travailler au contenu, de monter des équipes, de faire de l’événementiel. J’ai commencé à animer, mais j’avais quand même le désir de produire, de trouver des solutions, de tenir un budget. En fait, je ne comprenais pas que les autres ne considèrent pas ça créatif, un budget. »

Avec En direct de l’univers, ses entrevues de Pour emporter à Ici ArTV et sa maison de production, France Beaudoin a-t-elle encore le temps pour respirer?

Pamplemousse Média se retrouve notamment derrière On va se le dire, Je viens vers toi, Retour vers la culture, Les stagiaires (début le 5 octobre à Ici RDI) et plusieurs documentaires, émissions spéciales ou rendez-vous annuels telles La revue culturelle, La soirée Mammouth et De Terry Fox à aujourd’hui. Parmi les projets en préparation figure On ramassera demain, un concept éclaté mélangeant sketchs, entrevues, jeux et variétés, mené par Pierre-Luc Funk et prévu pour janvier 2024 à Télé-Québec.

Pamplemousse Média, la maison de production de France Beaudoin, est notamment derrière l’émission <em>On va se le dire</em>, animée par Sébastien Diaz (au centre). À gauche, Isabelle Vaillancourt, vice-présidente de Pamplemousse.

Plus gros, plus de temps

Mais, étonnamment, c’est parce que son entreprise est devenue plus grosse que ce qu’elle avait prévu que, justement, France Beaudoin peut se permettre de lâcher prise plus souvent.

« J’ai eu cinq semaines de vacances cet été. Je ne me souviens pas d’avoir déjà eu ça. Au départ, je pensais que Pamplemousse Média serait une compagnie un peu plus petite qu’elle est en ce moment. Mais on m’a fait comprendre qu’elle aurait été plus vulnérable. Si un diffuseur choisit de ne pas renouveler ton émission (ce qui est tout à fait normal dans ce métier), c’est très important de ne pas te retrouver dans une situation d’insécurité qui te forcerait à mettre des employés à pied, à abandonner tes locaux et à recommencer. »

« Ce qui m’intéressait le plus, c’était d’être derrière, de travailler au contenu, de monter des équipes, de faire de l’événementiel », confie France Beaudoin.

« Pour trouver l’équilibre, poursuit-elle, nous avons décidé il y a deux ans, avec mes conseillères financières Isabelle [Vaillancourt] et Lise [Pruneau] — on forme un trio de stratégie — d’augmenter la production pour avoir cette permanence des équipes et créer plus librement. Ça a vraiment changé les choses. Je croyais que j’aurais plus de temps pour moi en restant petit, mais j’en ai plus parce que ma compagnie est plus grande, que le personnel est stable, performant… et heureux! C’est donc beaucoup plus simple pour moi… et pour tout le monde en fait. »

« Ça ne veut pas dire que je suis détachée, ajoute-t-elle. Je demeure très engagée, mais je fais aussi confiance aux gens, et c’est ma façon de tirer le meilleur d’eux. Après tout, si je les embauche, c’est que je ne suis pas la meilleure dans tout. »

—  France Beaudoin

À la suite de son accident de voiture en 2013, dont elle n’a heureusement gardé aucune séquelle, France Beaudoin avait adopté une hygiène de vie plus lente, avec notamment 90 minutes de marche par jour. Elle a réussi non seulement à la conserver malgré ses multiples projets, mais même à l’augmenter.

« Je le fais quotidiennement, le matin ou le soir… et j’apporte mes cartons pour apprendre mes textes. Je ne fais jamais en bas de cinq kilomètres, mais j’atteins très souvent presque dix kilomètres par jour. Les gens du quartier connaissent bien mon circuit maintenant », dit-elle en riant.